Initiative de Budapest

From: Stevan Harnad <harnad_at_cogprints.soton.ac.uk>
Date: Mon, 4 Mar 2002 14:27:40 +0000

> From: Moderateur BIBLIO-FR <Moderateur.biblio-fr_at_info.unicaen.fr>
> Subject: Initiative de Budapest
> Date: Sat, 2 Mar 2002 11:50:09 +0100
> De: Yves Desrichard <yves.desrichard_at_u-paris10.fr>
>
> Je me permets, avec quelque retard, de revenir sur l'"Initiative de
> Budapest", dont le nom fleure bon le roman d'espionnage façon John Le
> Carré. Si je suis d'accord pour saluer la déclaration d'intention (qui ne
> le serait pas, à part les actionnaires d'Elsevier ?), j'avoue rester
> perplexe quant à la façon dont l'ensemble des contributeurs à Biblio-fr a
> salué ce vaste élan humaniste. Car il suppose, voire présuppose, que le
> monde scientifique et ses acteurs est composé de créatures angéliques,
> qui ne vivent que pour le bien de l'humanité, le progrès de la science et
> de la technique (déjà deux choses différentes), qu'ils ne sont agités
> d'aucune passion partisane ou mercantile, d'aucune relation de jalousie
> entre eux, avec leur hiérarchie, avec d'autres équipes de recherche,
> qu'ils n'ont nul souci de reconnaissance sociale, intellectuelle,
> financière ou administrative - bref et au risque de choquer certains
> qu'ils ne sont pas humains.

C'est parce qu'ils sont humains, et parce que la raison principale pour
laquelle ils publient ses recherches c'est pour qu'elles soient
lues, citees, utilisees -- bref, pour qu'elles aient un impacte maximal
-- que les chercheurs devront embrasser l'inititaive BOAI pour l'acces
libre. http://www.soros.org/openaccess/fr/index.shtml
C'est ca ce qui paie leurs salaires, ce qui attire les
subventions, ce qui avance leures carrieres... Pas d'angelisme du tout
la dedans. Du pur auto-interet:

http://sophia.univ-lyon2.fr/boai/self-faq_fr.html#Why-self-archive

> Or je ne pense pas que ce soient les éditeurs
> scientifiques aujourd'hui désignés à la vindicte populaire (à propos de
> laquelle Jean-Michel Salaün a bien montré que, en l'espèce, il fallait
> aussi raison garder) qui ont inventé un système justement basé sur la
> compétition entre les équipes de recherche, la loi du plus fort et du
> mieux doté, le fameux "publish or perish" qu'on n'a, étonnamment, pas
> cité dans les débats, et plus généralement la hiérarchie complexe des
> patrons et des obligés qui domine la communauté scientifique comme bien
> d'autres, et dont le système des "referees" n'est que la traduction
> éditoriale.

Au contraire, c'est specifiquement dans le service de cette competition
qu'il faut que les recherches se se liberent du bloquage d'acces par les
barrieres que posent les droits d'acces, qui sont maintenant caducs,
donc inutiles, voir contre-utiles, dans notre ere ere en-ligne -- des
droits qui n'ont, par dessus le marche, jamais rapporte un seul sou aux
auteurs! Il ne faisaient que de les priver de leurs eventuels impactes!

Et publie/perir = chercher l'impacte!

> Non, je ne pense pas que le monde de la recherche soit
> éthiquement si éthéré et humainement si désintéressé qu'on puisse croire
> sérieusement que tous les scientifiques du monde soient prêts à se passer
> d'un système que, après tout, ils cautionnent alors même qu'il dépend
> d'eux.

Le system qui valorise les recherches c'est le systeme de lectorisation
par les pairs (<<peer review>>). Ca ne change pas! Ce qui change, c'est
l'acces libre aux SORTIES de ce systeme de valorisation: Que tous les
utilisateurs possibles aient l'access libre a ces recherches
lectorisees. (C'est pour ca qu'on les publie!)

> Que l'un des initiateurs majeurs du projet soit chercheur en
> sciences cognitives (je n'ai rien contre les sciences cognitives) me
> semble à cet égard significatif : il ne s'agit pas là d'une discipline
> dont les enjeux économiques soient si importants qu'un chercheur ne
> puisse pas mettre à la disposition de tous le résultat de ses recherches
> sans grand dommage pour lui. Par contre, les échecs dans le domaine de
> l'édition médicale me paraissent autrement significatifs, car les enjeux
> financiers dans ces disciplines sont eux aussi autrement significatifs.

J'ai de la misere a suivre cette logique:

(1) Les sciences cognitives ne sont pas une discipline, mais plusieurs:
la psychologie, la neurobiologie, la biologie comportementale, la
linguistique, l'informatique, la philosophie), y compris secteurs de
la discipline citee ci-dessus.

(2) La discipline dans laquelle l'auto-archivage, et donc l'acces
libre, sont les plus avances, c'est la physique.

(3) Ca serait extrement utile si cet intervenant expliquait precisement
en quoi les enjeux economique DE L'EDITION DES REVUES MEDICALES (c'est
a dire, les revenus des maisons d'edition des revues medicales) portent
sur les enjeux financiers des chercheurs (contrairement aux autre
disciplines)?

> A cet égard, je conseille à tous la lecture fort éclairante d'un article du
> "Monde diplomatique" de ce mois-ci, où l'on voit comment certaines
> universités américaines vivent des royalties versées par de grands
> laboratoires pharmaceutiques pour l'exclusivité de traitements contre le
> SIDA, traitements par ailleurs revendus fort chers à des pays et des
> patients bien en peine de les payer - voir le récent procès en Afrique du
> Sud, victoire contre les dits-laboratoires certes, mais victoire plus
> médiatique qu'économique.

Ca serait extrement utile si cet intervenant expliquait precisement
comment les precisions interessantes ci-dessus portent sur la question
du libre access aux resultats publies dans les revues lectorisees? (On
ne parlait que de ca. On ne parlait ni des recherches brevetables,
donc inedites, ni des textes qui rapportait des droits d'auteurs a
l'auteur ou a son institution. On ne parlait que de cette litterature
anomale, parce que offerte, qui est les articles publies (pour eviter le
perir) dans les revues lectorisees (dans toutes les disciplines).

> Non, les scientifiques ne sont pas des
> bienfaiteurs à l'abri des tentations, mais un autre examen pris dans un
> tout autre contexte me laisse à penser que beaucoup (et notamment,
> semble-t-il, les professionnels des bibliothèques et de la documentation)
> veulent croire encore le contraire. A ceux qui auront lu sa biographie
> publiée il y a environ un an, la "biopic" consacrée à M. Nash,
> "mathématicien génial" par Hollywood sous le titre "Un homme d'exception"
> paraîtra une caricature fortement édulcorée et, surtout, outrageusement
> idéalisée : le mari bigame y devient un époux exemplaire, l'introverti
> qui détestait l'enseignement et méprisait les étudiants un doux rêveur
> loufoque et attachant, l'homme d'ambition un naïf manipulé par l'armée,
> et le schizophrène lourd (ce que certes on ne saurait lui reprocher) le
> "vehicle" idéal pour permettre à Russell Crowe, qui joue son rôle,
> d'obtenir un oscar bien mérité pour sa composition.

J'avais de nouveau des extremes difficultes a suivre cette logique, mais
si cela veut impliquer que la mathematique est une exception a la regle
que tous ces auteurs de recherche lectorisee offrent leurs textes, et ne
souhaitent que le plus grand acces et impacte possible, pour promouvoir
leures recherches et leures carrieres -- alors c'est malheureusement
faux. Cette discipline est exactement analogue aux autres en ce qui
concerne l'acces a, et l'impacte de, ses recherches, et les propres
interets de ses chercheurs, soient ils des prix Nobel comme M. Nash, ou
plus pres de la moyenne pour les chercheurs, toujours pas angeliques.

> Tout cela semblera
> certes un peu décousu, mais je crains que, dans le monde d'Internet,
> entre gentils logiciels gratuits et généreux scientifiques, on n'oublie
> trop souvent ce qu'il faut bien appeler la réalité du monde libéral -
> cela se veut un constat, pas un jugement. L'avenir dira si "l'initiative
> de Budapest" sera un succès ou non, mais l'avenir ne se bâtit pas sur
> l'illusion - à mon point de vue en tout cas.

Ce point de vue profiterait peut-etre d'un peu de reflection davantage
sur cette litterature anomale, et les vrais liens causatifs derriere
les propres besoins et interets des chercheurs, de la recherche, et de
la societe qui en tire egalement des benifices.

Stevan Harnad

NOTE: A complete archive of the ongoing discussion of providing free
access to the refereed journal literature online is available at the
American Scientist September Forum (98 & 99 & 00 & 01):
    http://amsci-forum.amsci.org/archives/American-Scientist-Open-Access-Forum.html
                            or
    http://www.ecs.soton.ac.uk/~harnad/Hypermail/Amsci/index.html
Discussion can be posted to:
    american-scientist-open-access-forum_at_amsci.org

See also the Budapest Open Access Initiative:
    http://www.soros.org/openaccess
Received on Mon Mar 04 2002 - 14:29:32 GMT

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